Après plusieurs jours d’une longue route, Owen arriva au pied de la citadelle des Ailes Gardiennes. La beauté des lieux alliée à la majesté de l’édifice apportait féerie et légèreté à l’ensemble. Owen approcha de la chute, s’enfila dans l’espace contre la paroi et gravit les marches. Arrivé aux portes de la cité, il interpella un garde et lui signifia les raisons de sa venue :
« Vas dire à tes maîtres qu’Owen Glyn Dwr, régent des Highlands souhaite se présenter au recrutement des Ailes Gardiennes. »
Imperturbable, le garde se raidit et fit raisonner le sol en frappant son hallebarde. Quelques instants plus tard, un petit être, sans doute un scribe, demanda à Owen de le suivre. Après une marche dans un dédale de couloirs et de portes, le petit être fit pénétrer Owen dans un boudoir et lui dit :
« Patientez ici je vous prie, le Conseil de recrutement va vous recevoir. Vous pouvez vous apprêter si vous le souhaiter, une salle d’eau se trouve à votre droite. »
Constatant l’affreuse mine qu’il avait et la poussière qui ornait ses vêtements, Owen décida de procéder à quelques ablutions.
Puis il regarda au dehors et la vue qui s’offrit à lui ne fit que rajouter à la grâce de ces lieux. Il méditait lorsque le bruit de la porte lui rappela les raisons de sa venue. Le petit être entra et dit :
« Vous avez retrouvé bonne figure. Si je puis me permettre, vos peintures celtes et votre stature vous apportent une certaine prestance, même si au premier abord vous inspirez plutôt la crainte. Suivez moi je vous prie. »
Owen était amusé par les paroles du petit être car peu de personnes avaient su lire en lui. D’ailleurs, personne ne comprenait l’origine des peintures qui ornaient son visage et ses membres. Il suivit ce curieux personnage et entra dans un hémicycle sombre. La porte se referma derrière lui, sans bruit. Il sentait des présences mais ne pouvait distinguer les abords de la pièce.
Puis, ses yeux s’adaptant à la pénombre il distingua des ombres, des formes, puis des silhouettes. Enfin il crut reconnaître certains de ses amis, mais sans certitude aucune. Un homme s’avança devant lui, le visage masqué par la large capuche de sa pèlerine, puis lui lança :
« Owen Glyn Dwr, régent des Highlands, guerrier celte de votre état, motivez votre candidature pour entrer dans le sein des Ailes Gardiennes ! »
Cette voix, Owen la connaissait, mais la conformation de la pièce la rendait impossible à identifier de manière certaine. Ceci n’étant point important, Owen se leva, s’installa au centre de l’hémicycle et prie la parole :
« Seigneurs ici présents, hauts dignitaires des Ailes Gardiennes, je vous salue. Comme vient de le préciser votre émissaire, je suis Owen Glyn Dwr, régents des Highlands, hautes plaines situées dans le Grand Nord entre les Monts Éternels et les grandes plaines de Sîir Dâa. Je ne suis pas originaire de ce monde, c’est la défaillance malencontreuse d’un sort qui m’a conduit dans vos contrées. A mon arrivée, je fus recueilli par de simples gens qui me firent partager leur mode de vie. Je décidais d’oublier les guerres, les morts et l’odeur de la chair brûlée ou putréfiée. Cette simple vie de palefrenier me convint jusqu’à l’incursion d’une horde de barbares sur nos terres. Nous combattîmes vaillamment mais les pertes furent lourdes. Dès lors, en accord avec mon peuple, je décidais d’endosser le rôle de protecteur de mon village.
Ma soif de justice et de paix me conduisit naturellement à m’enrôler dans la guilde des Défenseurs de la Paix. Cette jeune guilde avait besoin de personnes motivées pour s’affirmer. Mais la guerre qui nous opposa à la Ligue des Spectres nous appris que paix et justice étaient des concepts emplis de vanité et de subjectivité. Leur défense conduisait intrinsèquement à user de guerre et d’injustice. C’est d’ailleurs ce point qui conduisit à la perte de cette guilde. Personne ne sut trouver les mots pour rassembler et unifier. La guilde mourut dans le feu et le sang des pauvres gens à qui nous avions promis de meilleurs lendemains.
Mon village fut presque réduit à l’état de cendres, aussi je décidais de chercher des terres plus propices à la renaissance de mon royaume. C’est dans les hautes plaines, austères mais fertiles que je décidais d’installer les miens et de les faire vivre dans le respect des règles celtes. Combattre dans l’honneur, la vertu et le respect de tout être vivant.
Depuis, je cherche des réponses à mes questions et tout comme les anciens membres de cette guilde, ma foi fut mise à l’épreuve. Je n’ai jamais cru dans le pacifisme et n’ai jamais su abandonner mes armes. J’ai d’ailleurs appris avec peine que Roger le Lutin vous avait remis son bâton et que sa foi l’avait quitté. »
La voix pleine d’émotion, Owen ne put retenir une larme en pensant à la détresse de son ancien compagnon.
« Mais, si mes convictions ont changé, ma foi en la justice et la paix ne m’ont pas quitté. Je crois toujours en eux, même si je reste persuadé qu’ils resteront toujours des miroirs aux alouettes.
Je ne m’engagerai pas à combattre jusqu’à la mort de mon royaume pour vous car pour moi un héros mort ne sert à rien. Un martyr ne servira jamais sa cause aussi bien qu’un vivant. Je m’engage à vous épauler autant que mes ressources et mes gens le permettront. Je m’engage à vous fournir une assistance sans faille tout au long de ma présence en votre sein. Je m’engage à participer activement à la vie de votre cité et à ne pas désobéir aux lois et commandements qui sont les votre.
Toutefois, je garderais une certaine liberté de décision, mais je m’engage à soumettre ouvertement aux membres de la guilde tout agissement ou toute parole que je souhaiterais porter en mon seul nom. Je ne porterais jamais atteinte à l’image et aux valeurs de votre guilde sans avoir préalablement reçu l’accord plein et entier de votre commandement. »
Owen se tut, sortit un parchemin de sa tunique et le tendit à la personne qui l’avait accueilli.
« Voici sur ce parchemin le détail de mes bâtisses ainsi que la liste de mes amis et ennemis. Merci de bien vouloir détruire ce document après lecture, vous comprendrez qu’il constitue pour moi ou mes proches un risque s’il tombait entre de mauvaises mains. Certains proches sont déjà en votre sein et je tiens à leur dire qu’ils n’ont aucune obligation à me recommander ; Je ne leur en tiendrais ni rigueur ni rancune. Faites votre travail de recruteur en accord avec les règles qui sont les votre. »
Owen retourna vers l’entrée et s’assit en attendant la suite donnée par le conseil du recrutement.